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LOGOS Saint-Chamond
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  • Apprendre à penser, à réfléchir, à être précis, à peser les termes de son discours, à échanger les concepts, à écouter l'autre, c'est être capable de dialoguer, c'est le seul moyen d'endiguer la violence effrayante qui monte autour de nous.
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11 décembre 2013

le Coran et le "voile islamique" (Michel Renard)

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que dit le Coran à propos du "voile" ?

Michel RENARD

 

L'islam n'est pas la religion du voile. "Foulardiser" l'islam est une connerie. Trois versets du Coran évoquent le "voile". Mais que disent-ils ?

1) Le verset 53 de la sourate XXXIII

"Et si vous leur demandez (aux femmes du Prophète) quelque objet, demandez-le derrière une tenture (hijâbin) : c'est plus pur pour vos coeurs et leurs cœurs. Il ne vous appartient pas de blesser l'Envoyé de Dieu, non plus que d'épouser de ses femmes après lui".

Il s'agit d'une tenture, d'un rideau distinguant les espaces d'une pièce, et non pas d'un voile. Le hijâb est une séparation, un tissu d'ameublement intérieur et non un vêtement. En tout cas, rien de spirituel.

2) Le verset 59 de la sourate XXXIII

"Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands mantes (jalabîbihinna) : sûr moyen d'être reconnues et d'échapper à toute offense. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux."

Ce verset ne donne aucune description de ce jilbâb (pluriel, jalabîb). Vêtement ample, visiblement non porté en permanence.

Le verset ne dit pas directement aux femmes de le porter (pourquoi Dieu ne l'a-t-il pas fait…?) mais donne un ordre au Prophète pour qu'elles se protègent afin de ne pas être confondues avec les esclaves ou prostituées. Mais rien de précis sur les parties du corps à cacher. Ce sont les interprétations rigoristes qui veulent en faire une prison vestimentaire. De toute façon, là encore, rien de spirituel. Seulement une question de pudeur.

3) Le verset 31 de la sourate XXIV

"Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de contenir leur sexe (furûjahunna), et de ne montrer de leurs agréments (zinâtahunna) que ce qui en émerge et qu'elles rabattent leur fichu (khumûrihinna) sur leurs échancrures de leur vêtement [certains traduisent : poitrines] (…)"

Ce verset doit être mis en rapport avec le précédent (30) : "Dis aux croyants de baisser leurs regards et de contenir leur sexe. C'est plus pur pour eux. Dieu est, certes, Parfaitement Connaisseur de ce qu'ils font."

Donc, il est toujours question de sexe et de refus de la provocation et non de spiritualité. C'est une ferme invitation à la pudeur adressée aux femmes ET aux hommes.

La question est de savoir ce que sont les agréments (zinâtahunna) de la femme Aucune définition universelle n'en existe. Le désir sexuel varie selon les cultures et les époques.

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En résumé, a) il existe trois termes : hijâb, jilbâb et khimmar qui ne désignent pas la même chose ; b) rien de précis n'est décrit comme forme de vêtement ni comme parties du corps à cacher ; c) ce sont des versets circonstanciels et "sociaux" ; d) ils n'ont aucune dimension spirituelle, ils n'engagent pas le rapport de l'individu à Dieu mais des individus entre eux.

Michel Renard

 

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9 décembre 2013

ce qu'on appelle à tort "foulard islamique", Tareq Oubrou

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pour une visibilité musulmane discrète

par

 

Un nouvel équilibre sociétal laïque est nécessaire. Cependant, il ne peut être réalisé uniquement par une approche juridique.

J'ai toujours prôné une visibilité religieuse modérée en général. Elle consiste concrètement pour notre cas à relativiser cette pratique particulière qui obligerait la musulmane à se couvrir les cheveux. C'est ce qu'on appelle à tort "foulard islamique" ou "voile islamique".

Mais si j'appelle à une certaine visibilité musulmane discrète, je reste un peu libéral et défends en même temps la liberté de conscience, les convictions et le choix volontaire d'avoir des pratiques religieuses, tant que cela ne trouble pas l'ordre public et tant qu'elles ne sont pas nocives pour la société de manière avérée, même si je ne les partage pas.

en tant que musulman théologien

En tant que musulman théologien engagé et en tant que citoyen, je considère comme impératif pour les musulmans de faire un peu de ménage et de mettre un peu de bon sens dans leur pratique religieuse. Selon moi, se couvrir les cheveux, pour la musulmane, relève d'une "prescription équivoque et mineure". Autrement dit, elle repose sur un ou deux passages coraniques amphibologiques et sur des hadiths (communication orale) du Prophète, dont l'authenticité n'est pas certaine.

Coran-alternatif-par-Tahar-Ben-Jelloun

Rappelons que nous avons plus de textes qui demandent, par exemple, aux hommes de garder leur barbe que de textes qui demandent aux musulmanes de couvrir leurs cheveux, abstraction faite de leur authenticité et de leur sens discutables. Or il y a chez certains musulmans plus de focalisation sur le foulard des femmes que sur la barbe des hommes, lesquels ne se gênent pas pour se raser sans trop se soucier des textes. Quant à ceux qui la portent, ils ne sont pas du tout inquiétés par les lois de la République.

un objet de séduction

La sociologie de cette pratique nous indique que de "l'ostentation islamique", le "voile islamique" est passé à "l'ostentation esthétique" ; d'un objet de pudeur à un objet de séduction. Une tendance. Des filles qui portent le foulard avec un pantalon serré, ou des vêtements moulants ou transparents, laissent à penser que le sens initial du foulard se perd peu à peu. Il est devenu une tendance un "objet culturel". Aujourd'hui, on organise des défilés de mode du hidjab (voile laissant le visage apparent). Rien à voir avoir avec la pudeur. On a l'impression de voyager dans un conte des Mille et Une Nuits.

Hijab+mode1
"Hijab Mode" source

Le pire, c'est que de plus en plus de filles qui portent le foulard ne font pas leurs cinq prières canoniques quotidiennes, deuxième pilier de l'islam pourtant, après l'attestation de foi. Faudrait-il prendre ce foulard au sérieux ? D'autres considèrent que le foulard symbolise une consécration, un acte de baptême, un rite de passage pour la fille. Là on pourrait vraiment parler d'un égarement.

C'est à cet égard que j'en appelle aux imams et aux prédicateurs pour qu'ils assument leur responsabilité, remédient à ce désordre religieux et corrigent un discours importé d'ailleurs et d'un autre âge, et qui est en train d'orienter les musulmans vers des pratiques mineures et sans issue, des pratiques exotiques qui trouvent un terreau favorable, celui d'une psychologie identitariste et d'opposition.

Tous les canonistes musulmans considèrent que se couvrir les cheveux n'est pas un acte cultuel ('ibâdâte), mais relevant du relationnel (mu'amalâte), c'est-à-dire de l'éthique qui intègre les coutumes et les traditions, même ceux qui considèrent que cet acte est obligatoire. Le couvre-chef de la musulmane n'est pas comme une kippa ni comme une croix. Il n'est donc pas un signe religieux, un "objet cultuel".

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l'islam n'est symbolisé par aucun objet ni par aucune couleur

L'islam étant une religion aniconique, théologiquement parlant il n'est symbolisé par aucun objet ni par aucune couleur. Ni croissant, ni couleur verte, ni habit, ni minaret, ni voile ne sont des symboles de l'islam, contrairement à ce qui est répandu. Donc le concept même de "signe religieux" n'est pas approprié à la théologie musulmane.

L'interdiction du foulard dans les écoles comme "signe religieux ostensible" est une immixtion dans les affaires intérieures de la religion, une hérésie politique, dirais-je, dans la mesure où le politique fait de la théologie en déterminant ce qui est modéré ou pas et ce qui est un "signe religieux" ou pas.

En effet, l'islam est une religion qui ignore le concept d'"objet cultuel". Se couvrir les cheveux est un comportement lié au corps, similaire par exemple à celui du port de la barbe. Doit-on dans ce cas considérer la barbe elle aussi comme un "signe religieux ostensible" et donc obliger les garçons musulmans au lycée à se raser ? Pourquoi donc cette double focalisation sur la femme musulmane ?

femme victime, doublement victime.

Dans cette histoire de bras de fer, c'est la femme qui est la victime, doublement victime. D'une part, les musulmans la culpabilisent si elle découvre ses cheveux, ce qui est, d'après moi, théologiquement grave, d'autre part, le législateur laïque donne l'impression de la traquer partout, de l'école jusque dans la rue, et de l'enfance jusqu'à l'âge adulte.

Ce genre de traitement symptomatique ne fait que doper la résistance et l'entêtement chez nos jeunes. Il est contre-productif. Nous sommes en train de faire un mauvais diagnostic en confondant la cause avec l'effet, le symptôme avec l'éthologie. Nous croyons qu'en cassant le thermomètre nous allons guérir notre fièvre.

Sans minimiser le problème que pose la visibilité de l'islam en France, la crise de notre société est profonde, mais remédiable. L'islam n'en est parfois qu'un marqueur sociologique. Réduire sa visibilité par des interdits serait passer à côté des vrais enjeux. La solution est forcément multifactorielle et ne peut être réductible au seul aspect juridique et aux différentes stratégies court-termistes, politiciennes et électoralistes.

Une interdiction supplémentaire du foulard dans les universités donnerait encore une image d'une République contre sa propre démocratie qui en est une dimension constitutionnelle. Car qui dit démocratie dit pluralisme.

Tareq Oubrou
Le Monde, 3 octobre 2013

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____________________

- entièrement d'accord avec Tareq Oubrou au sujet du statut "théologique" du foulard dit "islamique". Nous sommes quelques-uns à le dire et à l'écrire (Leïla Babès...) depuis des années.
Par contre, ce développement me pose un problème :
"L'interdiction du foulard dans les écoles comme "signe religieux ostensible" est une immixtion dans les affaires intérieures de la religion, une hérésie politique, dirais-je, dans la mesure où le politique fait de la théologie en déterminant ce qui est modéré ou pas et ce qui est un "signe religieux" ou pas".
Pourquoi ?
Je pense l'inverse. L'école laïque peut-elle considérer comme "religieux" autre chose que ce que les croyants d'une religion affirment être tel ?
Si elle faisait le contraire, elle s'immiscerait précisément dans le religieux en énonçant elle-même ce qui est "religieux" et ce qui ne l'est pas.

Michel Renard

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